Perpignan (France), 27 nov 2025 (SPS) Déterminés à faire barrage à l'application du nouvel accord UE-Maroc, des agriculteurs français affiliés à la Confédération Paysanne ont lancé une action coup de poing sur la plateforme logistique d'Azura à Perpignan, l'un des plus importants importateurs de fruits et légumes cultivés au Sahara Occidental occupé par le Maroc, au moment où leur syndicat a engagé une action en justice contre ce groupe.
Dans une escalade sans précédent de la mobilisation des agriculteurs français, une soixantaine de membres de la Confédération Paysanne, principal syndicat agricole en France, ont pris d'assaut et bloqué mercredi la plateforme logistique d'Azura à Perpignan, perturbant ainsi les opérations à l'un des principaux points d'entrée de l'UE pour les fruits et légumes provenant du Sahara Occidental occupé.
Selon le quotidien français "L'Indépendant", une soixantaine de paysans de la Confédération paysanne s'est introduite dans les locaux de l'entreprise dans le but de récupérer des emballages de tomates cerises.
Dégagés de force des locaux de cette entreprise, les agriculteurs se sont rassemblés, par la suite, devant les entrées principales d'Azura, bloquant le déchargement des marchandises des camions.
Ce syndicat d'agriculteurs se mobilise contre le nouvel accord UE-Maroc "négocié en opacité par la Commission européenne" et se veut solidaire avec les Sahraouis, d'où proviennent réellement les tomates.
"Cette action vise à dénoncer la concurrence déloyale que subissent les producteurs de l'Union européenne ainsi que la violation des droits du peuple sahraoui", explique la Confédération Paysanne dans un communiqué.
La Confédération a également décidé de poursuivre son combat en "assignant le groupe Azura avec la société Maraissa devant le juge civil français pour fraude fiscale sur les taxes d'importation".
"Dans cet accord de libre-échange UE-Maroc, il y a les territoires occupés du Sahara Occidental dont les entreprises multinationales pillent les ressources sans aucune retombée économique pour les Sahraouis", déplore ce syndicat agricole, affirmant même que ces entreprises "exportent illégalement des productions étiquetées +Maroc+ alors qu'elles proviennent du Sahara occidental".
La nouvelle version de l'accord entrée en vigueur en octobre, poursuit-il, "crée artificiellement des règles d'étiquetage basées sur de nouvelles régions d'origines légalement infondées".
En effet, cet accord prévoit le remplacement de la notion de "pays d'origine" par celle de "région d'origine" pour les marchandises originaires du Sahara occidental, en particulier, les deux divisions administratives imposées par le Maroc: Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Eddahab.
Pourtant, dans un arrêt rendu le 4 octobre 2024, la Cour de Justice de l'UE (CJUE) a expliqué qu'"en tant que produits importés dans l'Union européenne, les melons et les tomates récoltés au Sahara occidental doivent indiquer leur pays d'origine en vertu de la réglementation de l'Union", soulignant que "cette mention doit nécessairement figurer sur les produits et ne doit pas être trompeuse, raison pour laquelle leur étiquetage doit indiquer le Sahara occidental comme étant leur pays d'origine".
D'ailleurs, c'est la Confédération paysanne qui a sollicité l'administration française à l'effet d'interdire l'importation de melons et de tomates originaires du territoire du Sahara occidental en raison de leur étiquetage trompeur en ce qu'il indique qu'ils sont originaires du Maroc.
Assimilant le silence de l'administration française à une décision implicite de rejet, la Confédération paysanne a saisi le Conseil d'Etat français qui a adressé à la CJUE différentes questions en interprétation de la réglementation de l'UE.
"Le blocage de l'une des principales plateformes logistiques françaises pour les fruits et légumes envoie un signal clair : les agriculteurs européens refusent de plus en plus de tolérer des importations qu'ils considèrent comme illégales, déloyales ou complices de l'occupation du Sahara Occidental", estime, de son côté, Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch.
La Confédération paysanne a annoncé, par ailleurs, qu'elle décidera de nouvelles actions sur le terrain et à Bruxelles.
L'association espagnole des petits producteurs de tomates, COAG, s'est déjà fortement mobilisée contre Azura et ses pratiques d'étiquetage, dénonçant ces pratiques auprès des autorités espagnoles de protection des consommateurs.(SPS)