Bruxelles, 22 nov 2025 (SPS) Opposés à la proposition de la Commission européenne d'étiqueter les produits agricoles importés depuis le Sahara occidental en fonction de leur région d'origine, plutôt que du territoire contesté, les députés européens prévoient de soulever une objection formelle lors de la session plénière du Parlement mercredi prochain.
Selon le site d'information Euractiv, le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) et le groupe Patriotes pour l'Europe (extrême droite) préparent "une objection formelle qui sera soumise lors de la session plénière du 26 novembre".
Un projet de résolution du PPE et des Patriotes, consulté par ce site, demande à la présidente du Parlement, Roberta Metsola, d'informer la Commission que la proposition de règlement sur l'étiquetage "ne peut entrer en vigueur". Les deux groupes lui ont également demandé de transmettre cette objection au Conseil de l'UE.
Alors que dix arrêts de la Cour de justice de l'UE (CJUE) ne laissent aucun doute sur le fait que le Sahara occidental et le Maroc sont deux territoires "séparés et distincts" et que les produits provenant de ce territoire doivent être traités en conséquence, un nouvel accord conclu entre l'UE et le Maroc prévoit le remplacement de la notion de "pays d'origine" par celle de "région d'origine" pour les marchandises originaires du Sahara occidental, en particulier, les deux divisions administratives imposées par le Maroc: Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Eddahab.
Des députés européens de tous bords politiques ont remis en question la légalité de la proposition de la Commission. Le député européen du PPE Herbert Dorfmann a confié à Euractiv que l'approche de l'exécutif "bafouait l'arrêt de la CJUE".
Dans un arrêt rendu le 4 octobre 2024, la haute juridiction européenne a expliqué qu'"en tant que produits importés dans l'Union européenne, les melons et les tomates récoltés au Sahara occidental doivent indiquer leur pays d'origine en vertu de la réglementation de l'Union", soulignant que "cette mention doit nécessairement figurer sur les produits et ne doit pas être trompeuse, raison pour laquelle leur étiquetage doit indiquer le Sahara occidental comme étant leur pays d'origine".
La députée européenne Patriote Mireia Borras reproche à l'exécutif européen son "audace".
"Nous ne sommes pas ici pour servir de bureau commercial au Maroc", a-t-elle déclaré.
L'écologiste Thomas Waitz a affirmé que la proposition "violait le droit international" et a souligné que les consommateurs avaient besoin d'un étiquetage clair.
Du côté de La Gauche, Lynn Boylan, rapporteure pour la région du Maghreb au sein de la commission du Commerce international (INTA), a expliqué que la Commission n'avait pas démontré "de manière significative" en quoi la proposition était conforme à l'arrêt de la CJUE, qualifiant son refus de répondre à des questions juridiques fondamentales de "profondément préoccupant".
Elle a même averti que l'approche de la Commission européenne risquait d'entrainer un nouveau revers devant la CJUE, nuisant à la crédibilité de l'UE.
Jeudi, lors d'un débat en commission Agriculture et développement rural (AGRI) du Parlement européen, les députés ont vivement critiqué cette proposition de la Commission européenne visant à modifier le règlement de l'UE afin d'introduire une dérogation aux règles de l'Union en matière d'étiquetage d'origine.
L'Observatoire international de surveillance des ressources naturelles du Sahara occidental (Western Sahara Resource Watch) a relevé, ce jour-là, un niveau de colère "très inhabituel", soulignant que cela "témoigne de graves préoccupations institutionnelles quant à une possible atteinte à la protection des consommateurs, à la jurisprudence contraignante de la CJUE et à la modification de la législation interne de l'UE dans le seul but d'éviter de mentionner le Sahara occidental". (SPS)